Avortement : “Refuser le verrou éthique sur le travail parlementaire”

LE MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2019

Alors que les obstacles s’accumulent pour la proposition de loi visant à élargir les conditions d’accès à l’avortement, les députés de DéFI Sophie Rohonyi et François De Smet appellent à refuser le chantage du CD&V dans une carte blanche publiée par Le Soir.

  • Publié le 18.12.2019

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Relayer une attente de terrain

Depuis plusieurs mois, nous entendons de nombreux raccourcis et amalgames sur nos amendements visant à une réelle dépénalisation du droit à l’avortement. Ceux-ci contiennent trois modifications principales : la fin des sanctions pénales spécifiques à l’encontre des femmes et des médecins, la réduction du délai de réflexion à 48 heures, et l’extension du délai légal pour avorter de 12 à 18 semaines de grossesse.

Nous savons que ce dernier point cristallise un certain nombre de craintes et de critiques. Il s’agit pourtant de relayer une forte attente de terrain. Rappelons d’abord que l’on vise numériquement très peu de cas. Aujourd’hui, 97 % des avortements se pratiquent durant les 12 premières semaines de grossesse. En tant que membres du pouvoir législatif, nous ne pouvons toutefois pas oublier les 3 % restants. Nous devons garantir à ces femmes, souvent en situation de grande détresse, comme aux autres, un cadre légal sûr, et non plus hypocrite.

Nous devons garantir à ces femmes, souvent en situation de grande détresse, comme aux autres, un cadre légal sûr, et non plus hypocrite.

Sophie Rohonyi et François De Smet

Les femmes qui ont le plus besoin d’être soutenues

Nous devons faire preuve de solidarité envers ces 500 à 1.000 femmes qui, chaque année, se rendent aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni pour avorter loin de chez elles et pour plusieurs milliers d’euros. Des avortements pratiqués en outre plus tardivement que s’ils étaient pris en charge en Belgique.

Rappelons que personne ne choisit de gaieté de cœur de recourir à un avortement. Les femmes qui le décident en âme et conscience considèrent qu’elles n’ont pas d’autre choix. La loi actuelle abandonne à leur sort les femmes qui ont le plus besoin d’être soutenues par l’État. Il s’agit le plus souvent de femmes précarisées, mal informées, violentées, violées, qui font un déni de grossesse… Des femmes tellement envahies par leurs problèmes qu’elles ne sentent pas leur corps changer. Qui, en raison d’un long traitement contraceptif ou médicamenteux, continuent à avoir leurs règles malgré la grossesse. Des femmes qui vivent dans une région reculée, qui ne sont pas motorisées, et qui doivent compter sur leurs proches pour se rendre chez un médecin.

Aujourd’hui, les médecins et centres de planning ne peuvent directement aider ces femmes, faute de quoi ils pourraient être envoyés en prison. Ils ne peuvent donc que leur conseiller de se rendre à l’étranger. Et si ces femmes ne venaient pas à eux, elles avorteraient coûte que coûte, dans des conditions sanitaires dangereuses pour leur santé et même leur vie.

Une pierre d’achoppement

Notre proposition de loi constitue ainsi une avancée majeure pour les droits des femmes et pour l’égalité des femmes dans leur accès au droit d’interrompre leur grossesse. Une avancée pour laquelle nous refusons de céder au chantage du CD&V.

Depuis les élections fédérales du 26 mai dernier, le Parlement dispose – au contraire du gouvernement minoritaire en affaires courantes – d’une pleine légitimité démocratique pour voter des textes de loi portant sur un ensemble de sujets.

Personne ne s’en est jamais offusqué, jusqu’à ce que ce travail législatif, prévu par notre Constitution, porte sur le droit des femmes à disposer de leur corps, sur leur droit à la santé, au point d’en faire une pierre d’achoppement pour la formation du prochain gouvernement fédéral.

En 2018, et en dépit d’une demande unanime des acteurs de terrain, la dépénalisation totale de l’avortement n’avait, déjà, pu être votée en raison d’un accord de gouvernement qui prévoyait d’accorder un statut juridique aux fœtus, concession accordée au CD&V. Aujourd’hui, elle pourrait de nouveau ne pas être votée parce que contraire à l’accord d’un gouvernement qui n’existe pas encore, parce qu’exigé par le CD&V.

La Belgique est peut-être le pays du surréalisme, mais elle est avant tout une démocratie attachée à la séparation des pouvoirs, à la démocratie parlementaire et aux droits des femmes.

Les femmes ont une liberté de choix, de même que les députés ont une liberté de légiférer.

Nous appelons donc nos collègues à voter nos amendements en leur âme et conscience, et appelons les négociateurs fédéraux à délier toute négociation fédérale des avancées sur les thématiques éthiques ou de santé publique.

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Olivier Maingain

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